Dans le cadre de notre formation, on a plusieurs stages.
- Un stage dans un poste, où on est responsable du culte, 7 dimanches dans l’année. Je le fais à Chatham et le deuxième dimanche est le 6 février
- Un stage d’observation dans un poste, que j’ai fait à Cheltenham
- Un stage d’observation dans une institution sociale, que j’ai fait du 21 au 26 février et dont je parle dans ce billet 🙂
Donc j’ai été envoyé au « Booth’s center » qui se trouve à Southampton.
C’est prêt de la mer, c’est à 123km, à environ 24h de marche à pied. J’y étais attendu le dimanche matin, donc j’avais tout le samedi pour le voyage, c’était large.
Je dormais à l’hôtel, ce qui était bienvenu pour l’introverti que je suis puisqu’à partir de 17-18h, j’avais fini la journée et je pouvais passer plusieurs heures tout seul.
The Booth’s center est une « life house », c’est à dire un établissement où des gens vivent et ont leur propre chambre. Il fait partie de la Homelessness Services Unit, soit le service qui travaille avec les gens « à la rue ».
Voilà ce que j’ai compris sur le fonctionnement de l’aide aux sans-abris à Southampton (toutes institutions confondues) :
Ça démarre avec la « Street Homeless Prevention Team », donc service de prévention du sans-abrisme (comment traduire Homelessness sérieux ?). Ce service (le SHPT) a plusieurs rôles. D’abord, une équipe fait régulièrement le tour de la ville pour rencontrer les gens qui dorment dans la rue, connaître leurs besoins et essayer de leur trouver une place dans un établissement s’ils le veulent. Cette équipe fait ce qu’on appelle un « referral », donc oriente officiellement la personne vers un établissement. Normalement, toute nouvelle personne qui intègre un établissement passe par ce service. On ne peut pas arriver dans un établissement et demander une place directement.
Selon l’état et les besoins de la personne, le SHPT oriente vers un établissement de niveau 1 ou niveau 2. Le niveau 1 correspond aux gens assez ‘intensive’ comme ils disent, c’est à dire qui ont besoin de davantage d’encadrement et de service. Ça peut être des gens avec de sérieux problèmes d’addiction à la drogue ou l’alcool, généralement pas apte à avoir une bonne hygiène de vie. Ce genre d’établissement fournit donc les repas dans la journée et a des règles de consommation d’alcool et de drogue très souples.
Lorsque quelqu’un fait des progrès suffisants, l’établissement de niveau 1 communique avec le SHPT qui va orienter le bénéficiaire vers un établissement de niveau 2.
Un établissement de niveau 2 reçoit des personnes avec plus d’indépendance et plus de stabilité. The Booth’s Center où j’étais rentre dans cette catégorie. C’est censé être la dernière étape dans le circuit de réinsertion, l’objectif est que le résident sorte en ayant son propre appartement et un travail. Pour cela, chaque résident a un travailleur social référent, avec qui il a un entretien (au moins une fois) chaque semaine. Bien que ce soit niveau 2, la plupart des personnes qui intègrent cet établissement ont des problèmes d’addictions divers. D’ailleurs, le directeur m’expliquait que les choses évoluent au fil des années et que ces addictions se complexifient et se cumulent, ce qui complique les choses et demandent une évolution dans le personnel encadrant.
Le centre a 3 étages + le rez-de-chaussée. Chaque étage a 3 ‘clusters’, qui sont des regroupements de studios. Chaque cluster a une cuisine et un grand salon avec télé, table et canapé. Chaque résident a la clé de son studio et de son propre cluster.
Particularité culturelle du centre : il y a de la vidéo surveillance dans tout l’établissement ! Dans les cages d’escalier et dans les couloirs à tous les étages, ainsi qu’aux alentours du bâtiment. N’importe qui du côté staff de la réception peut regarder les écrans. Ils sont régulièrement utilisés lorsqu’ils cherchent quelqu’un, ou pour vérifier comment se sont déroulés certains évènements.
Le centre est couplé avec une ‘social entreprise’, qui contient un café/restaurant, ainsi qu’un atelier de rafraichissement de meuble et de travail du bois. C’est évident bien utile aux résidents pour travailler ou pour passer du temps ensemble.
Le centre prête une pièce à une ‘baby-bank’, qui fournit des vêtements et autres biens de nécessité pour des familles dans le besoin avec bébés. Cette baby-bank est une autre occasion pour les résidents de s’impliquer.
Côté spirituel, certains membres du staff dont le directeur de l’établissement sont chrétiens. Il y a aussi un aumônier présent 3 jours par semaine, avec son bureau au rez-de-chaussée. Il anime un temps de prière le mardi matin, un culte le dimanche matin toutes les 6 semaines et est disponible pour des entretiens. Le reste du temps, il est dans l’établissement pour discuter avec des résidents ou les employés.
Mon stage était de l’observation, et moi, quand on me demande d’observer et de ne pas travailler, j’obéis volontiers 🙂 J’ai donc pas mal passé du temps avec les employés à discuter de leur travail, que ce soit les travailleurs référents, la réceptionniste ou l’administratrice. J’ai eu plusieurs longues conversations avec le directeur de l’établissement. Et puis j’ai fait le tour d’un peu tout ce qui se passait dans la semaine.
Bilan de ma semaine
Globalement, je trouve que l’Armée du Salut fait un super boulot dans cet établissement. On voit vraiment la volonté de transformer les vies, autant sur le plan séculier avec l’acquisition et développement de diverses compétences, que sur le plan spirituel avec les différentes opportunités données aux résidents. De ce que j’ai vu, l’équilibre sur la place du spirituel dans la vie de l’établissement est plutôt bien trouvé. Mis en valeur, tout le monde est au courant que l’aumônier est disponible, mais rien de forcé et les gens restent complètement libres de leur démarche.
Ce stage était très bienvenu dans mon cheminement sur ce qu’est notre mission en tant qu’Armée du Salut (je mentionnais ça ici). Je vois tout à fait comment cet établissement fait partie intégrante de la mission de l’Armée du Salut. Il s’agit de cheminer avec les gens et les accompagner pour reprendre contrôle de leur vie en combattant leurs addictions, en gérant leurs relations humaines compliquées, en acquérant les compétences nécessaires pour une vie hors de l’établissement et en se posant la question de leur relation avec Dieu.
Il est clair aussi pour moi que le travail d’aumônier est super important et je serais tout à fait partant pour remplir un rôle similaire à temps partiel. Je pense que ce serait difficile d’être aumônier à plein temps dans cet établissement, des fois je tournerais vraiment en rond. Je me suis aussi rendu compte du potentiel de liens entre un poste et un établissement social. C’était super clair pour moi que les salutistes du poste de Southampton pourraient venir régulièrement au Booth’s Center pour passer du temps avec les résidents, juste pour discuter, ou alors pour animer des ateliers, ou faire une soirée jeu, tout est possible… Mais pour des raisons que je n’ai pas eu le temps de creuser, il y a très peu de liens entre les deux… Une chose de plus (on peut probablement parler de ‘problème’) qu’on a dans notre beau territoire France-Belgique que je retrouve au Royaume-Uni.
2 soirs par semaines, ils jouent aux jeux de plateau ou aux échecs. Le jeudi soir, j’ai joué aux échecs avec eux. Il y avait un résident trop fort, il m’a écrasé la première et la deuxième, il rate un mat évident en jouant trop vite par excès de confiance et je finis par gagner. C’était une bonne soirée.
c’est passionnant de lire tes rapports et analyses.
Trop cool ce post! Super intéressant et clair.